Rex Heuermann a été arrêté en juillet dernier, confondu par une part de pizza jetée dans une poubelle.
Cet architecte new-yorkais de 60 ans vient d'être inculpé d'un quatrième meurtre.
"Sept à Huit", qui a rencontré une femme qui lui a échappé, dresse le portrait de celui que tout désigne comme le "tueur de Long Island".

En 2010 et 2011, les corps de onze victimes, dont au moins sept prostituées, mais aussi un homme et un bébé, avaient été retrouvés le long d'une même route de l'État de New York. En juillet 2023, la police a fini par arrêter le principal suspect, surnommé le "tueur en série de Long Island" par les médias américains. Jusqu’au 16 janvier dernier, Rex Heuermann était soupçonné des meurtres de Melissa Barthelemy, Megan Waterman et Amber Costello, trois des "Gilgo Four", du nom des quatre femmes dont les cadavres avaient été découverts à deux jours d'intervalle, en décembre 2010, au bord de ladite route. Le voici désormais inculpé de l’assassinat de la quatrième, Maureen Brainard-Barnes. L’accusé continue de se dire innocent.

Décrit par ses voisins, quelques jours après son arrestation, comme un homme "normal" qui "partait travailler en costume comme n’importe quel Américain", l’architecte de 60 ans, marié depuis 20 ans et père de deux enfants, jamais suspecté dans une affaire sexuelle jusqu’alors, présentait pourtant un profil atypique. "Sept à Huit" a rencontré John Pagano, qui a été scolarisé avec lui de la maternelle à la terminale. "C’était un mec très bizarre, très calme, solitaire, jamais avec un groupe d’amis, se souvient-il dans le reportage à retrouver en tête de cet article. Il avait un surnom : Herman Monster, Herman le monstre, comme dans une série télé des années 1970. Ce n’est pas qu’il était effrayant, mais c’était un tel géant. On l’appelait aussi T-Rex ou La Créature, comme dans la Famille Addams".

Durant une décennie d’enquête, Rex Heuermann n’a pas éveillé le moindre soupçon. Il a fallu la nomination d’un nouveau procureur, en 2022, pour que soit repéré son pick-up Chevrolet Avalanche vert, modèle rare, qu’un témoin a aperçu au domicile d’une des victimes. La police le place alors sous surveillance, et le voit jeter des restes de pizza dans une poubelle de Manhattan, près de son bureau. Bingo : l’ADN recueilli sur les croutes correspond à celui de poils retrouvés sur plusieurs corps. Les enquêteurs ont ensuite pu localiser les emplacements des appels émis depuis des téléphones jetables pour contacter trois des quatre victimes juste avant leur disparition : près de son domicile et de son lieu de travail.

La découverte des "Gilgo Four", les quatre cadavres de jeunes femmes dans un maquis de ronces sur les plages de Gilgo Beach, à 75 km de Manhattan, avait révélé un mode opératoire, inhérent aux tueurs en série. Toutes quatre étaient des prostituées de petite taille, âgées de 22 à 27 ans, qui proposaient leurs services sur le site Craigslist. Elles avaient, en outre, été retrouvées "dans la même position, attachées de la même manière par des ceintures ou du ruban adhésif, enveloppées dans un matériau de type toile de jute", d’après le procureur Ray Tierney. Lors de la perquisition de sa maison, l’été dernier, les forces de l’ordre trouveront près de 300 armes à feu.

Je suis sûre que si je l’avais suivi, je ne serais plus de ce monde
Nicole Brass, 34 ans, a échappé à Rex Heuermann

Nicole Brass, 34 ans, fait partie de celles qui lui ont échappé. C’était en 2015, à l’époque où cette maquilleuse professionnelle, mère de quatre enfants, se prostituait. "On s’est rejoint devant un restaurant. Il m’a serré la main, c’était une poignée de main super vigoureuse, du genre de celle d’un homme qui veut montrer que c’est lui le plus fort, raconte-t-elle aujourd’hui à TF1. Il était tellement impressionnant, deux mètres de haut pour 140 kilos, je dirais. Vraiment un géant. On a parlé un peu de nous. Il m’a dit qu’il était architecte à Manhattan et rapidement, il m’a demandé si j’aimais les affaires criminelles. Je lui ai dit que oui, donc on a parlé de quelques crimes et de meurtriers. Et là, il m’a demandé si j’avais entendu parler de l'affaire de Gilgo Beach."

"Jusqu’à ce moment, il n’avait pas l’air vraiment passionné par notre conversation, mais dès qu’il a commencé à parler du tueur de Gilgo Beach, quelque chose s’est allumé en lui, poursuit-elle. Il demandait : ‘Comment ce mec a pu se débarrasser des corps sans se faire attraper ?’ Je lui ai répondu que je n’en savais rien, que je ne connaissais pas cette zone. J’ai surtout trouvé que c’était bizarre de se poser ce genre de questions. Il devenait de plus en plus étrange, nerveux… Puis il me dit : ‘Je vis à Gilgo Beach, c’est un endroit sombre et isolé.’ Là, j’ai pensé qu’il fallait que je me sorte de là. À la fin du rendez-vous, j’ai refusé de le suivre chez lui à sa demande, en essayant de ne pas le vexer. Mais j’ai vu qu’il était vraiment très énervé. Je suis sûre que si je l’avais suivi, je ne serais plus de ce monde. Sûre et certaine."

Son historique sur Internet a montré que Rex Heuermann, outre des images d’actes de torture pornographique, de meurtres, de viol et de pédopornographie, recherchait compulsivement des photos de ses victimes, mais aussi des informations très précises sur leur localisation, leurs proches, leurs familles… La sœur de Melissa Barthelemy avait ainsi été harcelée d'appels "vulgaires, moqueurs et insultants" d'un homme qui appelait depuis le téléphone portable de sa sœur. Au bout de cinq semaines, les appels avaient cessé après un dernier coup de fil sordide. D'une voix calme, l'homme avait affirmé que sa victime était morte, et qu'il allait "la regarder se décomposer".


Hamza HIZZIR | Reportage "Sept à Huit" Julien Dumont, Mathilde Liotard

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